27/09/2010

BENOIT MOREAU

A propos de l'article " Ist die freie Improvisation am Ende?" de Thomas Meyer, paru dans Dissonance, #111

Monsieur Meyer,

Je ne vous connais pas personnellement mais votre article me donne l’impression de lire les lignes d’un musicologue à temps partiel, qui publie des pensées sans fondement ni référence et dont l’avis ne peut être digne d’une personne dont le métier a justement été reconnu par le passé.

Votre attaque – que je taxerais de facile, superficielle et qui met surtout en lumière votre ignorance quant au sujet traité – s’adresse à de très nombreux musiciens suisses de plusieurs générations qui n’avaient pas besoin de ça : leur activité débordante malgré le peu de reconnaissance obtenue témoigne de leur engagement de chaque instant, et lire une pareille description de la musique improvisée en Suisse dans une publication officielle fait très mal.

Concernant vos multiples considérations sur la mort de cette musique et plus particulièrement sur la fin de son développement musical et sonore, il n’y a pas grand-chose à discuter puisque vous ne semblez simplement pas intéressé à assister aux innombrables concerts organisés ou alors vous n’êtes pas capable d’ouvrir vos oreilles. Votre analyse vous enfonce dans les ornières du conservatisme rétrograde où ce qui a de la valeur appartient nécessairement au passé.

Par contre, votre maigre argumentaire selon lequel « la pertinence sociale » de cette musique ne serait plus d’actualité me laisse croire avec horreur que votre ignorance dépasse le domaine musical : si vous décrétez que les raisons sociales qui ont fait vivre cette musique dans les années 70 ont disparues et que, dès lors, cette musique n’a plus de cheval de bataille, vous faîtes non seulement une grave erreur mais vous trahissez également une certaine affinité pour les valeurs libérales et commerciales qui ont plongé la culture dans la situation dramatique qu’elle vit aujourd’hui (la culture est un divertissement, la culture doit être rentable et c’est ce qui détermine sa qualité, etc.). Les revendications artistiques et le contexte social ont évidemment évolué ces dernières décennies et l’engagement que manifestent chaque jour les musiciens pratiquant l’improvisation trouve aujourd’hui une place des plus importantes et des plus louables dans le combat contre la dictature de l’économie libérale dans l’art.

Si vous ne comprenez pas que le monde d’aujourd’hui a un besoin historique d’une lutte pour un système social, économique et artistique plus juste et équilibré, et que vous ne percevez pas que la musique improvisée s’est toujours investie dans cette lutte et continue à le faire, vous ne disposez définitivement pas des outils nécessaires à une personne active dans la politique culturelle et ne pouvez assumer votre statut.

Vos déclarations sont une menace contre la diversité culturelle étant donné, comme chacun sait, les répercutions qu’elles peuvent engendrer au niveau politique. Vous avez, sur un coup de tête (ou alors, s’il y a eu réflexion, sur une analyse totalement fausse), mis en danger la profession et l’activité artistique de plusieurs milliers de personnes en Suisse.

Monsieur Meyer, vous avez certainement l’occasion de revoir votre jugement en considérant cette fois la réalité du monde de la musique improvisée et en vous basant sur les arguments de ces multiples réactions. Vous pouvez encore récupérer par votre bonne foi une erreur qui fera date dans votre carrière. Si des débats publics sont organisés pour discuter de ce scandale, je vous prie, Monsieur Meyer, d’y prendre part. Pour votre honneur et par respect pour la communauté d’artistes que vous avez négligé et méprisé.

Cordialement

Benoît Moreau

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