23/09/2010

JONAS KOCHER

Cher Thomas,

Chaque lecture de ton article 'ist die freie improvisation am ende?' me reste de plus en plus en travers de la gorge.

Je ne comprend pas comment l'on peut écrire un article pareil en 2010. À la rigueur au milieu des années 1990, il aurait été plus ou moins en phase avec son époque. Cela fait un moment que les idées de 1968 ont disparues de la vie des gens ou se sont transformées, donc c'est logique que la musique improvisée issue de cette époque fasse aussi partie de l'histoire! La pratique de la musique improvisée actuelle est par contre complètement en phase avec son époque et constitue une alternative essentielle et vitale à des modes de vie et de consommation distordus, tels que nous les vivons chaque jour. Cette pratique questionne des modes de fonctionnement sociaux et de consommation, comme aucune autre pratique musicale ne le fait et ne peut le faire! D'un point de vue esthétique, elle a été fortement influencée par l'avènement de l'électronique, cela non seulement dans le matériau utilisé mais aussi dans les formes, les timbres et les temporalités et reste un vaste champs d'expérimentations sonores, bien plus riche et aventureux que la majorité des musiques écrites.

Tu as beau dire que le titre provocateur n'est pas de toi, bon. Mais tu mentionne le présent d'une pratique dans le sous-titre (le sous-titre est-il aussi de quelqu'un d'autre?)
Or, tu fais la négation de toute une génération de musiciens actifs et établis présentement en Suisse-alémanique comme en Suisse-romande, cela bien plus que pendant les années 1990.
Des musiciens engagés et conscients du rôle de leur musique dans la société et de ce qu'elle représente en tant que recherche sonore et artistique.

Pourquoi cette négation de tout un nombre de musiciens?
Par provocation? Triste et déplacé.
Par méconnaissance? Triste et inquiétant.

Je dois te dire que l'on se sent complètement mis de côté, insignifiants, inexistants.

À part toi, presque personne n'écrit sur la musique improvisée en Suisse, j'attendais autre chose de ta part, un intérêt réel pour le travail de ces musiciennes et musiciens, une envie de découvrir la richesse de toutes ces pratiques plus vivantes que jamais!
Ton article m'apparaît comme dangereux car il a déjà servi de référence et pourrait fausser encore bien des avis et des décisions politiques et culturelles. La musique improvisée étant tellement mal connue et mésestimée, c'est d'autant plus facile de s'en décharger en prenant appuis sur ton article.

Les musiciens ne vont pas venir vers toi pour parler de leur travail, c'est à toi de sonder la scène, de sentir et découvrir ce qu'il s'y passe. Je ne suis pas journaliste mais il me semble que c'est là la moindre des choses à faire quand on veut couvrir un sujet et que de plus, l'on sait que l'on est pratiquement le seul à le faire dans ce pays!

Quant au manque de volonté des musiciens d'analyser et de théoriser leurs pratiques, cela est faux. Il existe en Europe des revues, des livres ainsi que des musicologues et journalistes compétents qui écrivent sur ces musiques. Il est vrai qu'en Suisse, il n'y a pratiquement rien de semblable. Mais il suffit juste de regarder un peu plus loin que nos frontières pour s'apercevoir que les musiciens parlent et écrivent sur leurs pratiques et que d' autres formes plus appropriées que la musicologie et l'analyse classique sont employées pour rendre compte de cette musique.

La musique improvisée suisse ne se limite pas seulement à KARL ein KARL (dont je respecte beaucoup le travail, par ailleurs) et au WIM Zürich.
Ton article ne rend pas compte de la réalité, de plus il l'ignore et ne la mentionne même pas! Cela est grave, Thomas.

J'ai toujours été a ta disposition pour éclairer ta lanterne, Jacques Demierre t'as également orienté vers un certain nombre de musiciens de la jeune génération. Tu avais toutes les cartes en mains, or tu n'as pas bougé. Qu'est-ce que cela signifie? Au lieu d'un article qui se veut provocateur (je préfère croire à cela qu'à de l'ignorance), tu aurais pu te faire la voix d'une génération active et engagée, autant en Suisse qu'à l'étranger. Ta provocation ne fait que desservir les intérêts d'un nombre conséquent de musiciens et pas seulement ceux de la jeune génération.

Cordiales salutations,
Jonas Kocher

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